Rendre la majorité des logements de Belgique efficaces sur le plan énergétique d’ici 2030 semble relever de l’utopie. Outre les motifs budgétaires, il faut surtout garder à l’esprit que la main-d’œuvre est insuffisante pour réaliser concrètement toutes ces rénovations, à moins d’opter pour le préfabriqué. On peut y voir une contradiction in terminis, mais la pratique révèle qu’il s’agit bel et bien là d’un mode de conception idéal pour une rénovation rapide et efficace.
À première vue, les notions de préfabriqué et de rénovation semblent contradictoires. Après tout, comment peut-on utiliser des éléments de construction préfabriqués sur un chantier « imprévisible » ? La réponse est simple : en dotant l’habitation d’une nouvelle ‘enveloppe’. Les modules de façade isolés de 3,5 x 12 mètres, intégrant éventuellement les portes et fenêtres voulues, constituent l’application la plus simple. « Un cran plus haut, on retrouve les modules dans lesquels des éléments techniques sont intégrés : électricité, conduites d’eau, câblage de données, ventilation, panneaux PV, etc. », explique le dr. ing-arch. Michael de Bouw, chef de laboratoire adjoint du Labo Rénovation de Buildwise.
« Dans leur forme la plus simple, ces solutions épousent les contours du logement existant. L’apparence du volume de construction sera donc identique, à l’exception du coloris et du matériau de bardage. Il existe également des solutions préfabriquées remodelant totalement la façade et/ou augmentant même le volume de l’habitation, ajoutant par exemple une cuisine à l’arrière, une nouvelle entrée, des terrasses supplémentaires, etc. Les architectes estimant que le préfabriqué se limite à une architecture plane sont donc désespérément à la traîne. De nos jours, il est tout à fait possible de recourir au préfabriqué pour rénover un logement et lui conférer un cachet supplémentaire par la même occasion. D’ailleurs, la rénovation préfabriquée ne se cantonne pas uniquement aux façades. Des solutions permettent par exemple de rénover des toitures entières grâce à des techniques de préfabrication. »

Mesure 3D d’une habitation avant le début des travaux de transformation.
Vitesse d’exécution inégalée
Soyons clairs : la rénovation préfabriquée ne présente guère voire pas d’impact sur le budget. « Cela pourrait encore changer, si la rénovation préfabriquée venait à être appliquée plus fréquemment », précise Michael de Bouw. « La hausse du volume entraînerait en effet une diminution des coûts. À ce jour, le principal avantage du préfabriqué réside dans sa vitesse d’exécution. Ne sous-estimons pas l’importance de cet atout. Mieux encore, la préfabrication pourrait être LA clé permettant de rendre le patrimoine belge économe en énergie dans le délai imparti. En effet, les techniques de préfabrication permettent d’assurer une rénovation complète in situ d’un logement moyen en moins de dix jours. »

Livraison d’un élément de façade préfabriqué en bois contenant déjà les conduites de ventilation et de distribution.
Un système dont tous sortent gagnants
La rénovation préfabriquée est LEAN, c’est indiscutable (Le terme LEAN (de l’anglais lean, « maigre », « sans gras », « dégraissé ») sert à qualifier une méthode de gestion de la production qui se concentre sur la « gestion sans gaspillage », ou « gestion allégée » ou encore gestion « au plus juste ».). Bien que chaque logement soit forcément différent, les exécutants pourront néanmoins utiliser des solutions et des techniques standardisées. Le travail s’en trouvera accéléré, des étapes superflues seront évitées et le pourcentage d’erreur sera ramené à un minimum. Les nouvelles façades ou toitures sont assemblées en atelier, selon des procédures bien définies et calibrées. Cette manière de procéder génère également moins de défauts et d’erreurs. De plus, les temps d’attente sont minimes car la production peut être parfaitement alignée sur l’exécution. Il n’y a pratiquement aucun déchet sur le chantier et cette technique de rénovation est sans pareille en termes de confort pour les habitants et les riverains. L’inconfort de la transformation reste en effet limité à une très courte période. Bien souvent, le client ne doit même pas quitter son logement pendant les travaux, ou quelques jours seulement. « Tout le monde est gagnant », ajoute Michael de Bouw. « Pourquoi ne miserions-nous donc pas massivement sur la rénovation préfabriquée ? »
Quelques obstacles néanmoins
Un frein important tient à la nécessité pour toutes les parties concernées de travailler en étroite collaboration et de respecter rigoureusement le calendrier. En d’autres termes, le planning, la livraison et l’exécution doivent être LEAN. « Les retards typiques auxquels nous sommes habitués aujourd’hui dans le secteur de la construction doivent être complètement exclus du processus de rénovation », explique Michael de Bouw. « Sinon, la chaîne entière de la rénovation préfabriquée est interrompue et donc également bloquée. Cette approche LEAN est encore loin d’être ancrée dans la pratique, surtout auprès des petits acteurs du marché. Si nous voulons assurer une percée de la rénovation préfabriquée, il conviendra de prévoir des changements considérables à ce niveau. » Un obstacle pratique se dresse encore : la rénovation préfabriquée ne peut pas toujours être appliquée. Le problème se pose surtout dans les zones urbaines où les habitations sont construites à proximité immédiate de la rue.

Placement d’un module 3D préfabriqué en acier dans lequel l’unité de chauffage et de ventilation a déjà été montée et intégrée.
« Les façades sont facilement avancées de vingt-cinq centimètres », explique Michael de Bouw. « Si cela empiète trop sur le trottoir, vous n’obtiendrez jamais de permis pour ces travaux. Par ailleurs, il faut évidemment pouvoir faire livrer les grands panneaux ou modules 3D sur place et les installer au moyen de grues. En milieu urbain, ce n’est pas toujours possible. » Autre aspect à ne pas négliger, la rénovation préfabriquée exige une production extrêmement précise des panneaux de façade. Il s’agit d’une condition essentielle à l’obtention du résultat final souhaité, surtout pour les panneaux de façade dans lesquels les éléments techniques sont déjà intégrés. « Concernant le placement sur le chantier, il n’y aura pas de marge pour reprendre des jeux trop importants. D’où l’intérêt du scanning 3D dans les projets de rénovation. Une préfabrication réussie passera nécessairement par une cartographie la plus fidèle possible de la situation existante. Les nouvelles technologies numériques seront donc le facilitateur idéal pour que la préfabrication atteigne son plein potentiel dans les projets de rénovation. »
Buildwise perçoit un potentiel énorme dans le préfabriqué et va donc suivre la situation de près. Toute personne souhaitant en savoir plus sur ces techniques peut trouver plus d’explications dans le document de recherche ‘Retrofitting with AIM-ES2’ que le Labo Rénovation de Buildwise a rédigé en 2016 avec un groupe élargi d’utilisateurs parmi les professionnels de la construction. Ce livre peut être téléchargé gratuitement sur https://www.brusselsretrofitxl.be/wp-content/uploads/2016/07/AIMES_Guidelines_UK_2016.pdf.